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Témoignage écosystème

L’école Sornas, esquisse d’un sauvetage pas comme les autres (2/3)

Ce texte est le deuxième épisode de la série retraçant la façon dont une école de dessin en procédure de redressement judiciaire a pu se réinventer et perdurer. Il est écrit du point de vue du manager de transition appelé pour seconder la dirigeante, submergée par le contexte de la procédure collective.

Pictogramme du nom de l'auteur

Emanuel Cohen

Manager de transition

Ni des vacances, ni la fin du monde


Le nombre d'inscriptions scolaires va décider de la poursuite ou non de la période d'observation de l'école Sornas, période cruciale au cours de laquelle la société assure sa restructuration et analyse les propositions qu’elle va formuler à ses créanciers, de manière à  démontrer que le tribunal a eu raison d’accepter d’ouvrir la procédure de redressement. 


Au vu de l'enjeu, et face à “l’état d’extrême fragilité” de Françoise Mousseux-Sornas, qui comme beaucoup de cheffes et de chefs de petites entreprises est très isolée, Isabelle Didier lui propose de se faire assister par un manager de transition familier des établissements d’enseignement privés. Comme l’explique le professionnel retenu par Françoise Mousseux-Sornas, Emanuel Cohen, son travail “est d’assurer la liaison entre l’entreprise et le monde judiciaire, le juge-commissaire et les organes de procédure, afin de rassurer ces interlocuteurs sur les engagements pris en audience ou lors des rendez-vous.”


Là encore, la confiance est essentielle. Car au-delà de la remise en ordre des chiffres et de leur bonne transmission, l'entreprise connaît souvent des difficultés organisationnelles et sociales supposant des décisions douloureuses, et donc toujours différées, qu'il faut pourtant mettre en œuvre. Mais le rôle du manager de transition “est aussi, voire surtout, de remotiver tout le monde.” A commencer par le dirigeant, ou la dirigeante.  


Une nouvelle aventure


“Françoise Mousseux-Sornas était très fatiguée et elle a cru qu’elle allait pouvoir se reposer entièrement sur moi”, raconte Emanuel Cohen. “Alors qu’en réalité sa présence était déterminante, du fait de sa très grande expérience et de sa très bonne connaissance, de son entreprise et du marché dans lequel elle s’inscrivait. Elle l’a finalement bien compris et nous avons pu travailler en bonne intelligence, dans une belle synergie.”


D’après l'expérience d'Emanuel Cohen, les employés et les prestataires ont également des réactions contrastées en cas de procédure : “Certains donnent l’impression de venir au boulot entre deux parties de tennis, d’autres sont au contraire complètement déprimés. Mais le résultat est le même : tous baissent les bras. Et lorsque le dirigeant est remis en cause pour ses décisions passées, ce qui est souvent le cas, c'est au manager de transition de faire comprendre qu’une procédure, ce n’est ni des vacances, ni la fin du monde, mais le début d’une nouvelle aventure.”


Contrairement à l’école Sornas à ses débuts, Emanuel Cohen ne fait pas toujours dans la dentelle. “On s’est un peu pris le bec”, confie en effet le professeur de dessin et responsable pédagogique Olivier Mabille. “Il était dur parfois”, se souvient de son côté Françoise Mousseux-Sornas. “Il m’a obligée à une sévère remise en question. Mais il nous a beaucoup soutenus, beaucoup aidés. Je lui dois énormément et je lui en suis très reconnaissante.”


Le bon candidat, le prédateur et l’ambigu 


Une fois atteint le nombre d’inscriptions déterminé par l’entreprise dans son  prévisionnel d’exploitation comme seuil de rentabilité, un plan de continuation peut être envisagé sérieusement. Reste à trouver un repreneur. Dont il existe quatre types selon Isabelle Didier : le bon candidat, le naïf, le prédateur et l’ambigu. Pour les départager, un seul critère : sa volonté d’assurer la pérennité de l’entreprise. La recherche doit donc être à la fois discrète et rondement menée. 


“Les bons candidats ont une attitude éthique vis-à-vis de l’entreprise et la capacité d’assumer ses besoins de financement”, détaille l'administratrice judiciaire. “Les naïfs ont également une attitude bienveillante, mais pas les capacités nécessaires, à l’instar de cette enseignante qui pensait pouvoir racheter l’école Sornas avec un apport personnel de 100 000 euros. Les prédateurs, eux, sont des opportunistes qui annoncent la couleur et veulent acheter à vil prix. Mais les pires, ce ne sont pas les prédateurs. Les pires, ce sont les ambigus.”


Pendant plusieurs mois, un couple se disant prêt à reprendre les parts sociales de l’école Sornas est venu étudier les livres de l’entreprise et discuter avec la dirigeante, les employés, les prestataires. “Ils étaient déjà chez eux”, raconte Olivier Mabille. “Une fois, ils se sont même permis de recadrer un enseignant devant les élèves.” Pour finalement faire une offre de rachat ridicule... “Un sale coup”, résume Isabelle Didier. “Mais qui a resserré les liens de solidarité entre nous”, estime Emanuel Cohen. “Alors on est repartis au combat”, conclut Françoise Mousseux-Sornas.



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