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Témoignage client

Patrick Spica Productions, une indépendance préservée grâce à un investisseur responsable

En l’espace d’une dizaine d’années seulement, la plupart des agences de presse et de production indépendantes ont été soit fermées, soit intégrées à des groupes audiovisuels. La faute à la concentration des chaînes de télévision et à la réforme du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) privant certains de leurs programmes, et donc leurs fabricants, de l’accès automatique aux subventions.
Ce récit explique comment une agence de production audiovisuelle a réussi à rester indépendante malgré les difficultés et les pressions, grâce à l'intervention d'un investisseur responsable et conscient des enjeux.

Pictogramme du nom de l'auteur

Patrick Spica

Président et créateur de Spica Productions

L’agence de presse audiovisuelle éponyme de Patrick Spica est non seulement toujours ouverte et indépendante, mais elle est aussi plus florissante que jamais. Cette société a pourtant, comme les autres, souffert du changement de paradigme du secteur. A l’époque, en 2017, “elle tourne à plein régime” selon son fondateur, journaliste et réalisateur qui a commencé sa carrière d’entrepreneur en 2005 “tout seul dans 3 m²” et occupe alors quatre étages d’un immeuble, avec “une dizaine de salariés, mais 350 fiches de paye” en comptant les intermittents du spectacle nécessaires à l’élaboration des magazines et des documentaires. Certains ont fait date, comme Un an dans la peau d’un bébé, qui a été diffusé en prime time sur M6 en 2016, et dont la fabrication a coûté un million d’euros.


A la barre du Titanic


“Je bossais comme un fou, jusqu’à 18 heures par jour, mais ce succès était aussi certainement dû à mon hypersensibilité”, analyse Patrick Spica. “Mon intuition me permet de sentir l’air du temps, de flairer ce qui se trame dans l’inconscient collectif, et donc de choisir les sujets qui vont passionner les gens.” Mais la passion ne peut rien contre l’implacabilité des chiffres. Avec la réforme du CNC, les longs-formats de Patrick Spica Productions perdent 30% de leur budget. La société, qui réalisait jusqu’alors 5% de bénéfice sur chaque film, perd maintenant de 20 à 25% sur chaque film. Elle ne réduit pas pour autant son rythme de production.

“C’était comme si j’étais à la barre du Titanic”, se souvient Patrick Spica. “Je voyais l'iceberg et j’essayais de virer de bord, mais le bateau était trop gros, il y avait trop de passagers”, regrette-t-il avant d’ajouter : “Encore aujourd'hui, je ne sais pas ce qu’il aurait fallu que je fasse. Peut-être simplement que j’aie le temps de réfléchir et d’agir. Et puis, plus de ressource sur l’aspect financier. Longtemps, nous n’avons pas eu de directeur financier, par exemple.”

“Engagé sur le tard”, l'expert-comptable Charles-Henri Garnier n’a pas la possibilité d’éviter “la catastrophe”. Un jour, il entre dans le bureau de Patrick Spica pour lui annoncer que sa société est en état de cessation de paiement. “Je suis resté zen”, assure le producteur. “J’ai dit d’accord et j’ai pris mon téléphone pour prévenir mes clients, à commencer par mon client historique, M6.” Au bout du fil, une belle surprise l’attend : “Non seulement ils ne m’ont pas lâché, mais en plus ils m’ont tout de suite passé une nouvelle commande. J’étais très ému.”


“Vous vous sentez n’être plus rien”


Le plus pénible, pour Patrick Spica, a été son passage, cinq jours plus tard, devant les juges du tribunal de commerce de Nanterre. “Vous vous sentez n’être plus rien, c’est terrible”, dit-il, avant de poursuivre : «  J’ai conscience de m’en être bien sorti mais je n’ai pas pu éviter la règle des trois D : dépôt de bilan, dépression, divorce. Mais j’avais déjà des ennuis dans mon couple, alors il est difficile de savoir qui de la poule ou de l'œuf… Peut-être que si je n’avais pas eu ces ennuis, j’aurais pu prendre de meilleures décisions dans mon travail."

Heureusement, Patrick Spica peut compter sur le soutien de son avocate, Isabelle Wekstein-Steg, du cabinet WAN. Elle lui apporte “professionnalisme et engagement”, des éléments rassurants pour le chef d’entreprise totalement ignorant du monde judiciaire qu’il est. Sa connaissance du secteur sera en outre déterminante dans les recherches d’investisseurs, “pour analyser avec recul les propositions reçues et apprécier le caractère solide et durable de l’engagement souscrit par des candidats dont la volonté de séduire peut parfois dissimuler une volonté de tromper…”  

Avec Isabelle Didier, administratrice judiciaire désignée par le tribunal de commerce de Nanterre aujourd'hui fondatrice associée de O3 Partners, ils se mettent très vite au travail. “C’est une hypersensible aussi, une femme forte qui sait sortir des sentiers battus et qui a des convictions profondes, un personnage atypique qui mène ses combats personnels avec beaucoup de courage, et qui s’est emparé du mien sans aucune réserve. Elle aborde votre dossier dans le détail, les questions personnelles, elle n’a pas peur de l’intime. Elle ne juge pas, elle comprend et soutient. On n’est pas un numéro pour elle, et ça fait toute la différence.”

Après leurs premiers échanges, confortés par des contacts avec les principaux clients,  Isabelle Didier a estimé que Patrick Spica Productions méritait d’être sauvée. Et pouvait l’être : “Il y avait le soutien des clients matérialisé par la grosse commande de M6 qui plaidait en sa faveur, ainsi que sa renommée, un contexte légal et des perspectives économiques bien réelles”, explique-t-elle. La loi oblige en effet les chaînes de télévision à remplir un certain nombre d’obligations, dont celle d’investir un pourcentage non négligeable de leur chiffre d'affaires dans la “production indépendante”. Cette dernière se faisant de plus en plus rare, Patrick Spica Productions ne pouvait que bénéficier de cette obligation. Si elle survivait.

Il a d'abord fallu convaincre le juge-commissaire, Marc Saint-Ferdinand. Comprenant qu’il ne fallait pas sacrifier l’enjeu stratégique à moyen terme, ce dernier a  soutenu le dossier pendant toute la période d’observation alors que l’exploitation générait des pertes. “La terminaison des films mal financés, et dont certains étaient manifestement hors budget, était un enjeu pour garantir la préservation des relations de confiance avec les chaînes et assurer le redressement de l’entreprise”, dit-il. “Je ne sais pas comment cela se passe dans d’autres procédures, je ne suis vraiment pas un expert mais j’ai vraiment eu le sentiment que tout le monde a adhéré à mon projet et a cru à la capacité de l’entreprise de s’en sortir.”


Le chevalier blanc


La période d’observation dure dix mois et doit permettre à Isabelle Didier de déterminer si la stratégie élaborée par la société pour faire face à ses dettes est la bonne. Pendant ce temps, Patrick Spica “gère l’éditorial au milieu du chaos“ : “cartes bleues bloquées, pétages de plomb des équipes, appels incessants des créanciers et des fournisseurs qui réclament leur argent”. En tout, la société a contracté plus de 550 000 euros de dettes. “Toutes les banques nous ont lâchés, à l’exception de la banque Themis, dédiée aux entreprises en difficulté.”

Dans le même temps, la société de production est approchée par plusieurs repreneurs potentiels, dont le groupe NextRadioTV, avec lequel Patrick Spica accepte de négocier. “Ils étaient intéressés et c’était intéressant financièrement, parce qu’ils comblaient les dettes et qu’ils prenaient 50% des parts. Mais si l’objectif - inatteignable - qu’ils avaient fixé n’était pas atteint au bout de trois ans, alors j’avais l’obligation de leur vendre le reste des parts pour 350 000 euros. Autant dire une bouchée de pain.”

Isabelle Didier reste sereine. “Vous verrez ”, dit-elle à Patrick Spica, avec le recul de ses 32 ans d’expérience professionnelle : “Le travail de fond et les prises de contacts vont faire jouer la concurrence. Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise. Le chevalier blanc que personne n’attendait plus qui débarque et remporte la mise…” Et de fait, seulement trois semaines avant que le juge n’ait à entériner la proposition méphistophélique de NextRadioTV, le producteur résigné reçoit un appel inespéré. Celui d’un ami qui le met sur la piste d’un homme d’affaires à la tête d’un grand cabinet d’experts-comptables monégasque...

Patrick Spica Productions a déjà une longue histoire avec Monaco. Depuis le documentaire de 52 minutes consacré aux coulisses des cuisines du palais de la principauté diffusé sur France 3 en 2012, la société y a en effet réalisé une kyrielle de films pour la télévision, dont Intimité et pouvoir : Un an dans la vie du Prince Albert de Monaco et Elle s’appelait Grace Kelly. Alors son dirigeant n’hésite pas à contacter cet homme providentiel, qui souhaite rester le plus discret possible. Et il ne tarde pas à s’entendre avec lui : “Il a injecté 1,8 million d’euros dans la boîte pour apurer la dette et injecter le cash qui manquait en trésorerie. Il détient 49% des parts, et moi 51.”

“Mais au-delà du prix, c’est la capacité de Patrick Spica Productions, soutenue par un financier sérieux, à rester indépendant qui a convaincu le tribunal au moment d’analyser les propositions reçues, et d'apprécier le caractère solide et durable de l’engagement souscrit par des candidats dont la volonté de séduire peut parfois dissimuler des éléments péjoratifs”, souligne Isabelle Didier.

Aujourd’hui, près de quatre ans plus tard, “tout va très bien”. En témoignent les six millions de chiffre d’affaires et les 700 000 euros de bénéfice de Patrick Spica Productions. Mais cette bonne santé est le résultat de profonds changements. “Tout d’abord, nous appliquons maintenant un contrôle de gestion et une maîtrise des coûts très rigoureux”, détaille le dirigeant. “Et puis, nous nous sommes réinventés en créant une structure dédiée au digital. Les revenus qu’elle génère couvrent les pertes inhérentes à un secteur sous-financé, celui des reportages est des documentaires.” 

Sorti grandi de cette épreuve, son conseil aux chefs d’entreprises qui se trouveraient dans la même situation que lui est très simple : “Garder son calme, rester concentré et … être bien accompagné.”



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