Témoignage client
L’école Sornas, esquisse d’un sauvetage pas comme les autres (3/3)
Ce texte est le troisième et dernier épisode de la série retraçant la façon dont une école de dessin historique en procédure de redressement judiciaire a pu se réinventer et perdurer. Ce texte présente le point de vue de l'investisseur et de ses équipes.

Jean Herlin
Repreneur & précédemment directeur général du groupe Compétences et Développement
L’alliance de l’Ancien et du Moderne
L’école Sornas se trouve désormais au 7-11, avenue des Chasseurs, dans le 17e arrondissement de Paris. C’est plus loin du musée du Louvre que le 108, rue Saint-Honoré, mais aussi nettement moins coûteux. D’autant que l'école Sornas partage ses nouveaux locaux avec six des quatorze autres écoles de son repreneur, le groupe Compétences et Développement. “Le bon candidat, à la fois éthique et solide”, selon Isabelle Didier, qui salue la hauteur de son investissement financier.
“La situation de l’entreprise était si mauvaise, la reprise si lourde, que nous avons failli renoncer", confie Jean Herlin, ancien directeur général du groupe Compétences et Développement chargé de cette mission. “Mais ils ont tenu tous leurs engagements”, souligne Françoise Mousseux-Sornas, qui peut enfin couler des jours paisibles dans sa maison de campagne, après “un long contre-coup”, “des cauchemars et des insomnies”. “On ne sort pas complètement indemne d’une procédure de redressement judiciaire”, dit-elle, “ça fait partie des grandes épreuves que l'on peut avoir à surmonter dans une vie.”
Mettre le prix
Jean Herlin en est bien conscient : “L’entreprise nous intéressait mais il était également important pour nous d’aider cette dame, qui était dans une situation financière catastrophique. Elle se battait pour sauver l’entreprise de ses parents, ça a de la valeur pour nous.” Mais comme le rappelle l’avocat de Compétences et Développement, Étienne Rocher, “ce type d’affaire ne relève pas de la charité” : “Si l’entreprise qui vous intéresse passe à la barre, il va y avoir davantage de concurrence, vous n’êtes pas sûr d’être retenu par le tribunal. Tant de facteurs entrent en jeu. Donc si vous la voulez vraiment, il faut y mettre le prix.”
Quitte à être parfois un peu déçu. En effet, Jean Herlin comptait sur une croissance annuelle plus importante de l'école Sornas. Pour la redresser, il a notamment misé sur la restructuration des diplômes proposés, qui sont aujourd’hui au nombre de cinq. Et comme leurs noms, peut-être un peu obscurs pour les profanes, tels que “mastère UX/UI”, qui se réfère à “l’expérience utilisateur” et à “l’interface utilisateur, l’indiquent, l’école Sornas est enfin pleinement entrée dans l’ère numérique.
Un geek aux manettes
En témoigne l’arrivée au sein de la direction pédagogique de l'enseignant Olivier Krakus, spécialiste du design numérique et du digital learning. “Autant vous dire qu’on n'a pas été trop déstabilisés par la COVID-19 et le confinement,” souligne-t-il. “On a digitalisé tous les cours instantanément. Et si un élève manquait à l’appel, on lui téléphonait aussitôt. On n'en a perdu que deux, alors que les autres écoles ont perdu jusqu’à 20% de leurs effectifs.”
Âgé de seulement 29 ans et se définissant lui-même comme “un geek”, Olivier Krakus se sent proche des élèves, qui sont aujourd’hui 160, et globalement plus âgés que leurs prédécesseurs, du fait de la restructuration des diplômes proposés. “Cela a beaucoup changé nos rapports avec eux”, remarque d’ailleurs le professeur de dessin Olivier Mabille, qui, lui, est arrivé à l’école Sornas dès 1989. “Ce ne sont plus des adolescents surprotégés par leurs parents, mais de jeunes adultes plus ou moins responsables.”
Dessins à la main et sculptures de plâtre
Tous ont beau venir en cours avec leurs propres ordinateurs portables, plusieurs postes sont en libre accès sur le campus. Des salles de classe se trouvent en sous-sol pour une luminosité plus adaptée, et les tables sont connectées. Mais dans une malle dorment encore les dentelles des premiers temps. Les dessins à la main des élèves décorent le hall d’entrée. Les albums d’Olivier Mabille conservent précieusement les travaux de leurs prédécesseurs. Et dans une pièce annexe, trônent, impassibles, de vieilles sculptures de plâtre.
“On les ressort à l’occasion pour des cours de dessin”, raconte le nouveau directeur général de l’école Sornas, Benoît Lachamp. C’est ce qui lui plaît ici, “l’alliance de l’Ancien et du Moderne”. “Compétences et Développement ne veut pas balayer le passé, les nouveaux outils et les nouvelles approches pédagogiques doivent pouvoir s’appuyer sur un savoir-faire et un savoir-enseigner”, précise-t-il avant de conclure : “Si l'on veut une école complètement neuve, il faut en créer une, pas en acheter une !”
Et si l'on veut faire perdurer une entreprise en difficulté, il faut unir ses forces, ajouteraient sans doute Françoise Mousseux-Sornas, Isabelle Didier et Emanuel Cohen

TAGS DU TEMOIGNAGE
PROVENANCE
PROBLEMATIQUE
SECTEUR
INTERVENTION
TYPOLOGIE
LOCALISATION
AUTRE TÉMOIGNAGE